CITROËN André (X1898)

Pionnier de la fabrication à la chaîne en Europe
CITROËN André (X1898)
07 fév. 2010
Patrimoine, Polytechniciens en 14-18

Né le 5 février 1878 à Paris Décédé le 3 juillet 1935 àParis

Promotion X1898 Grade le plus élevé atteint au cours de la carrière: capitaine (artillerie)

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Fils d’un négociant en diamant d’origine néerlandaise et d’une mère polonaise, André Citroën naît à Paris le 5 février 1878. Rapidement il se montre brillant élève et obtient un baccalauréat en sciences au lycée Condorcet en remportant plusieurs fois le prix d’excellence et en étant primé au concours général. Il entre à l’Ecole Polytechnique en 1898. Il y poursuit sa scolarité sans briller. 62e à l’entrée, il en sort 162e deux ans plus tard. Démissionnaire, il doit tout de même faire sa dernière année de service militaire. Il est alors affecté au 26e régiment d’Artillerie du Mans avec le grade de sous-lieutenant. Quelques années plus tard, il est le fondateur de la société anonyme des Engrenages Citroën avec Jacques et Paul Hinstin. Au cours d’un voyage chez ses grands-parents en Pologne, il avait en effet découvert un modèle inconnu d’engrenages à chevrons chez un artisan local. Ayant racheté son brevet, c’est cette pièce qu’il décide de fabriquer en France [1]. Quatre ans plus tard, en 1908, il est sollicité par la société des automobiles Mors, alors au bord de la faillite, pour redresser la barre. En l’espace de six ans, il multiplie sa production par dix. C’est au cours de cette période, à l’occasion d’un voyage en Amérique, qu’il découvre le travail à la chaîne qui permet de populariser les véhicules en les fabriquant rapidement, à grande échelle et à un coût raisonnable.

Un industriel dans la guerre
Au déclenchement de la Grande Guerre, André Citroën est dans un premier temps mobilisé comme lieutenant au 82e régiment d’Artillerie Lourde. Le 9 d’octobre, André perd son frère, Bernard, tué en Argonne dans les rangs du 51e régiment d’Infanterie. Prenant conscience de la supériorité de la puissance de feu allemande, il réfléchit à l’amélioration de la production en munitions qui font grandement défaut à l’armée française. Il propose alors au général Baquet, directeur de l’Artillerie du ministère de la Guerre, une usine capable de produire plusieurs dizaines de milliers d’obus par jour. Le 7 janvier 1915, il est démobilisé pour mettre en œuvre ses idées. En six semaines, il construit alors les vastes bâtiments nécessaires à la production sur les terrains de Javel, alors occupés par des cultures maraichères. Pour assurer la production, il achète près d’un millier de machines-outils et commande son acier aux Etats-Unis. A la fin de l’année 1915, après avoir mis en place des modes de fabrication à la chaîne, il arrive à une production de 20 000 obus shrapnell par jour. Dans son usine, il n’oublie cependant pas ses ouvriers et la dote de vestiaires, de restaurants, de salles de repos, de clubs de loisirs ou encore de pouponnières [2]. Sa structure devient un modèle pour les industriels français et alliés participant à l’effort de guerre. Rapidement, son usine se développe et compte jusqu’à 13 000 ouvriers produisant près de 55 000 obus par jour. En définitive, il livre près de 24 millions d’obus aux armées française et alliées. A côté de cela, il travaille également à d’autres missions pour le gouvernement français. Ainsi, il est par exemple chargé de l’organisation du ravitaillement en denrées alimentaires dans toutes les usines de guerre, de la création de la carte alimentaire, de la mise sur pied du groupement charbonnier devant approvisionner les usines de guerre et celles de la ville de Paris ou encore de la remise sur pied de l’arsenal de Roanne. En 1917, il est également le fondateur du cercle interallié destiné à accueillir les officiers étrangers de passage en France. Le 16 février 1919 il est démobilisé et mis en congé illimité. Par la suite, il poursuit le développement de prototypes militaires et travaille notamment à la motorisation de l’artillerie.

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Fleuron de l'automobile
Au sortir du conflit, il s’interroge quant au devenir de ses usines. Il décide alors de se lancer dans la fabrication automobile à grande échelle et met alors tout en œuvre pour en faire peu à peu de sa structure, la Société Anonyme André Citroën, une des firmes automobiles les plus performantes au monde. Dès mai 1919, il conçoit son première modèle : la 7 CV. Les années suivantes, il développe son usine de manière exponentielle. Pour cela, il s’inspire du taylorisme pour révolutionner les techniques de production en série tout en restant attentif au sort de son personnel. Rapidement, devant le succès rencontré par son entreprise, il ouvre de nouvelles usines. A côté de cela, il crée aussi des agences comportant usines, garages et magasins d’exposition destinés à la fabrication et la vente de ses voitures dans le monde entier. On dira alors de lui qu’il est « le plus grand exportateur français dans le monde entier » [3]. Avec des véhicules créés par sa société, il mène à bien différentes expéditions. Ainsi, il réussit par exemple la première traversée du Sahara grâce à des autos-chenilles de sa création entre décembre 1922 et janvier 1923 [4]. Parmi ces inventions remarquables, on peut citer la traction avant, qui révolutionne durablement l’industrie automobile mondiale. A côté des activités dans son usine, il mène d’autres projets à bien, comme par exemple le balisage routier, la modernisation des taxis parisiens ou la création de lignes d’autocars entre Paris et les grandes villes de France. En 1928, il est également nommé président du comité d’organisation de la section française à l’exposition internationale de Barcelone l’année suivante. Au niveau politique, il a été membre de la Commission tripartite de la Marine et rapporteur de la Commission de réorganisation des Tabacs. Il a également été conseiller au commerce extérieur. Le 7 janvier 1931 il est élevé à la dignité de Grand-Officier de la Légion d’Honneur [5] avec le parrainage du général Gouraud, alors Gouverneur Militaire de Paris. A la fin de sa vie, il semble s’égarer et perd une bonne partie de sa fortune dans des projets coûteux mais aussi en menant la grande vie et en jouant dans les casinos. Au fil des ans, il perd le soutien des banques et, le 21 décembre 1934, le tribunal de commerce de la Seine finit par prononcer la mise en liquidation judiciaire de sa société. Quelques semaines plus tard, son affaire sera reprise par Michelin. Six mois plus tard, le 3 juillet 1935, André Citroën décède dans une clinique parisienne des suites d’un ulcère à l’estomac causé par son usure physique et morale. Si l’ingénieur meurt ruiné, le succès de la dernière création de son entreprise, la Traction, permet de remettre la marque à flot et de lui assurer sa survie. Bien que n’étant ni inventeur, ni technicien, Citroën a été un véritable découvreur de talents et un organisateur de génie.


Sources et bibliographie
• Archives de l’École polytechnique, Dossiers X1A(1898)et VI2A2 (1898) • CITROËN Bernard, « André Citroën 1878-1935 », in La Jaune et la Rouge, août-septembre 1993 • Dossier personnel de bénéficiaire de la Légion d’Honneur en ligne dans la base Leonore, cote LH/540/11 • WOLGENSINGER Jacques « Un grand polytechnicien: André Citroën » in La Jaune et la Rouge, N°591, 2004

Notes
[1] C’est cette pièce qui donnera à la marque son logo. [2] N’oublions pas que les industries sont alors en grande partie animées par des femmes. [3] A la fin de années 1920, rien qu’en France, il emploie plus de 30000 ouvriers et génère un chiffre d’affaires de près de deux milliards par an. Le 29 mars 1926, il reçoit la Médaille d’Or de l’Expansion commerciale et du Commerce Extérieur. [4] Les deux fils du général Estienne (X1882), père des chars d’assaut développés par le concurrent Renault, participeront à la traversée. [5] Il a auparavant été nommé Chevalier le 30 août 1923, Officier le 19 septembre 1925 et Commandeur le 4 janvier 1928. On peut ici constater que le délai de quatre ans entre les promotions à un grade supérieur n’est pas respecté afin de le récompenser au plus vite pour divers services qu’il rend à la France.

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