DOUMENC Aimé (1880-1948)

Un inventeur au service des Poilus
DOUMENC Aimé (1880-1948)
03 fév. 2010
Patrimoine, Polytechniciens en 14-18

Né le 16 novembre 1880 à Grenoble (Isère) Décédé le 21 juillet 1948 au Mont Pelvoux (Hautes-Alpes)

Promotion X1898 Grade le plus élevé atteint au cours de la carrière : Général

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Fils d’un commandant d’artillerie, Aimé Doumenc voit le jour en 1880 dans une famille relativement aisée de l’Isère. Rapidement, il se destine à une carrière militaire et c’est dans cette optique qu’il prépare et réussit le concours d’entrée à l’X. Au lendemain de sa formation à l’École polytechnique, entre le 27 septembre 1898 et le 6 septembre 1900, il opte pour l’artillerie et se perfectionne à l'École d'application de l'Artillerie et du Génie de Fontainebleau. Tout d’abord lieutenant aux batteries alpines de Grenoble, il est admis à l’École Supérieure de Guerre en 1907. Ce passage le destine à exercer d’importantes fonctions d’état-major ou de commandement. Sorti dans le haut du classement de sa promotion, il est versé comme capitaine à l’état-major du 19e corps d’armée. Il prend son premier commandement dans les confins algéro-marocains en 1910 avant d'être affecté au 60e régiment d'artillerie à Troyes le 19 octobre 1911.

Doumenc au service automobile
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Aimé Doumenc est en poste dans le tout jeune Service Automobile où il est l’adjoint du commandant Girard, son directeur. Ce sera cependant la bataille de Verdun, qui se déclenche au début de l’année 1916 qui révèlera tout son sens de l’organisation. Contrairement à ce que l’on croit, le GQG [1] français est bien au fait de la probabilité d’une attaque allemande d’envergure sur ce front. Ainsi, dès le 19 février 1916, une réunion des différents représentants des organes de transport est organisée à Bar le Duc. Doumenc y assiste lui aussi.

L'organisation de la "Voie Sacrée"
A la veille de la bataille, Verdun est reliée à l’arrière par trois voies de communication : une voie ferrée normale, un chemin de fer à voie étroite appelé « le Meusien » et la route départementale de Bar-le-Duc à Verdun. Devant l’exposition des voies ferrées aux tirs de l’artillerie lourde allemande et leur faible débit, force est de constater que la majeure partie du trafic devra emprunter cette unique route. C’est alors qu’intervient le capitaine Doumenc, qui affirme pouvoir transporter, au minimum, 2 000 tonnes de matériel et 12 000 hommes par jour avec les véhicules de son service. L’État-major soutenant ce projet, les préparatifs débutent sans attendre. Immédiatement, il est décidé que la route longue de 75 kilomètres sera à double sens de circulation. Seuls les véhicules à moteur pourront l’emprunter ; les troupes à pied et les transports hippomobiles étant rejetés sur les chemins secondaires latéraux. De plus, pour ne perdre qu’un minimum de temps lors des opérations de chargement et de déchargement en gare, Doumenc développe un système faisant arriver les camions à l’instant précis où les trains arrivent. Ses consignes entrent en application le 22 février à midi, soit à peine plus de 24 heures après le déclenchement de la bataille. En moins de quatre heures, tous les véhicules non autorisés sont dégagés de la route et le lendemain, une division complète peut déjà être acheminée grâce à ce système. Pendant sept mois, 8 000 automobiles, dont 3 000 camions du Service Automobile, empruntent cet itinéraire désormais qualifié de « Voie Sacrée ».

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Directeur du service automobile
Durant la bataille de Verdun, le Service Automobile a joué un rôle primordial et son organisateur en tire les lauriers. Il relate cet épisode dans son ouvrage en ces termes : « Verdun, […] a laissé dans le Service Automobile […] le souvenir impérissable d’une espèce d’aventure unique et grandiose. C’est que, pour la première fois alors, on parla de nous, et avec quels éloges ! Sans les automobiles, s’écria-t-on, c’en était fait de Verdun ! Il faut bien convenir que, pour des gens qu’on avait jusque-là ignorés ou méprisés, il y aurait eu de quoi perdre la tête ! Or, nous ne perdîmes pas la tête –je crois,- et la raison en est fort simple : c’est que, si Verdun donna tout à coup une notoriété très grande au Service automobile dans toute l’armée française pour nous c’était une simple constatation de la puissance de notre Service, que nous soupçonnions bien, et la réalisation d’idées dont on a vu, dans les chapitres précédents, la lente et progressive éclosion. » [2] Fort de son succès à Verdun, Aimé Doumenc, nommé commandant, prend la tête du Service automobile en mars 1917. Il œuvre alors à la création de routes stratégiques comme par exemple celle de Saint-Quentin sur la Somme, en 1916 ou encore celle permettant le franchissement des Alpes, pour l’envoi de troupes alliées sur le front italien à partir de 1917. A côté de cela, on retrouve également le capitaine aux côtés du général Estienne au moment de la mise au point des premiers chars d’assaut, entre novembre 1916 et mars 1917. Il contribue notamment à l’élaboration des moteurs de ces engins d’un genre nouveau.

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Au lendemain de la Grande Guerre
Au lendemain de la signature du traité de paix, Doumenc quitte l’armée pour tenter sa chance dans l’industrie. En 1925, il fait toutefois marche arrière et participe à la campagne, au Maroc et reprend sa brillante carrière sous les drapeaux. En 1938, il est ainsi nommé au Conseil Supérieur de la Guerre. L’année suivante, promu général d’armée, il dirige la délégation française missionnée pour obtenir une alliance militaire franco-soviétique mais il n’est pas en mesure de rivaliser avec les promesses faites par Joachim von Ribbentrop aux Soviétiques. Dès la signature du pacte germano-soviétique, Joseph Doumenc s’en retourne en France. En septembre 1939, il est à la tête de la défense anti-aérienne du territoire avant d’être nommé au poste de major-général au GQG en janvier 1940. Ses qualités le conduiront à recevoir les insignes de Grand officier de la Légion d’honneur le 14 août 1940. Il se retire de la vie militaire en 1942. Le 21 juillet 1948, victime de sa passion pour la montagne, il se tue accidentellement au massif du Pelvoux, dans les Alpes.


Sources et bibliographie
• DELPLA François, Les papiers secrets du général Doumenc (1939-1940), Olivier Orban, 1992. • DOUMENC Aimé, Les Transports automobiles sur le front français 1914-1918, Plon, 1920. • SERTELET Romain, Joseph Doumenc, Organisateur de la « Voie Sacrée », février 2012, [en ligne] http://www.verdun-meuse.fr

Notes
[1] Grand Quartier Général. [2] DOUMENC Aimé, Les Transports automobiles sur le front français 1914-1918, Plon, 1920.

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