Rencontre avec Fadi Saibi (X 1996)

" Être entrepreneur, c'est avoir le courage d’imaginer que tant qu’une chose n’a pas été prouvée impossible, c’est qu’il y a de grandes chances qu’elle soit faisable." Rencontre avec Fadi Saibi (X 1996), donateur du Friends of Ecole Polytechnique.
Rencontre avec Fadi Saibi (X 1996)
23 avr. 2015
Portrait

Fadi Saibi est présent lors de toutes les rencontres organisées par le Friends of sur la côte ouest des États-Unis. Membre d'une équipe d'entrepreneurs, le parcours de Fadi illustre l'importance de l'enseignement de l'entrepreneuriat à l'X.

Quel élève étiez-vous à l’École polytechnique ?

FS : Je dirais que j'étais plutôt sage ("Binet Calligraphie Arabe" et "Club Triathlon" plutôt que "Binet Cave Kès", le BôBar...), optimiste et enthousiaste ("le Binet Lose n'était pas du tout mon truc"), et extrêmement curieux, mais pas vraiment “hacker”. (rires)
Racontez-nous l’aventure de la start-up Artemis.
Artemis Networks est une start-up basée à San Francisco qui commercialise la technologie pCell. Elle aide les opérateurs d’infrastructures de communication sans-fil à faire face au problème inhérent aux technologies courantes, telles que la 4G cellulaire ou le WiFi. Ce problème conduit à un phénomène de “spectrum crunch” (déficit du spectre hertzien disponible par rapport à la demande de capacité de transmission des données), aujourd’hui très aigu outre-Atlantique, et s’accentuant partout dans le monde. Les dernières ventes aux enchères de spectre en sont la preuve : un total de 45 milliards USD (le PIB de la Tunisie) dépensés pour 65MHz de spectres par les opérateurs américains et, encore plus récemment, l'équivalent de 18 milliards USD pour renouveler les licences des opérateurs en Inde.
Artemis et la technologie pCell trouvent leur origine dans Rearden Labs, l’incubateur créé en 2000 par le serial entrepreneur Steve Perlman, et leur genèse couvre une période de plus de dix ans. Au début des années 2000, dans le cadre d’un autre projet incubé, la nécessité de distribuer de la vidéo par voie de communication sans fil se présenta. Steve Perlman voyait déjà à l'époque que la distribution traditionnelle du type “broadcast” allait laisser la place à une autre du type “unicast”. Une évaluation rapide cependant indiquait que, même si tout le spectre hertzien commercial était utilisé, les technologies sans-fil de l'époque, disponibles ou bien même en préparation, étaient très loin de pouvoir satisfaire le besoin qui s’ensuivrait. C’est alors que vint l'idée d’utiliser une multitude d’antennes distribuées, qui est à la base de la technologie pCell.
Expliquez-nous cette technologie. 
Le problème essentiel est que les technologies courantes s’efforcent d'éviter les interférences. La technologie pCell, quant à elle, exploite l'interférence entre signaux issus d’une multitude d’antennes distribuées. Par la création de signaux complexes, calculés dans notre “data center” et transmis par chaque antenne, il est possible d’obtenir, suite à leur propagation et interférence, des signaux propres et indépendants au niveau de l’antenne d’une multitude de mobiles utilisant la même ressource en spectre hertzien simultanément, et ce même dans des situations de grande densité comme dans un stade sportif, ou le centre d’une grande ville comme New York. De fait, nous créons une zone de couverture uniforme avec une qualité de service équivalente à une situation où chaque utilisateur peut bénéficier de toutes les ressources d’une station de base cellulaire dédiée : c’est ce que nous appelons pCell, ou “personal cell”.
Le déploiement de la technologie pCell résout le problème de “spectrum crunch”, dû au raz-de-marée grandissant de données mobiles, et aura un effet transformateur qui fera de la connectivité très haut-débit mobile une denrée fiable et abondante, permettant une multitude  d’applications nouvelles et d’innovations, que l’on ne peut encore pas anticiper et qu’il reste à imaginer.
Quelles sont les dernières nouvelles d’Artemis ? 
Notre travail intense des trois dernières années nous a permis de passer des étapes cruciales dont la première a consisté à rendre la technologie compatible avec les appareils mobiles existants.
En février dernier, nous avons présenté :
1. Un accord pour l’utilisation commerciale de 5MHz de spectre sous le contrôle de Dish Network (sous condition d’autorisation par la “Federal Communications Commission”),
2. La disponibilité d’un premier produit baptisé Artemis I Hub avec lequel nous démontrons la possibilité de réaliser plus de 35 fois l'efficacité spectrale de la technologie cellulaire LTE,
3. Un livre blanc publié sur notre site qui fournit de nombreux détails concernant la technologie pCell.
Quel rôle jouez-vous dans son succès ?
Notre équipe compte à présent 10 personnes et nous sommes 5 à faire partie d’un noyau technique trié sur le volet. Mon action réside essentiellement dans la R&D et le développement produit et, du côté des disciplines, touche à la conception algorithmique et le traitement du signal, la modélisation physique, l’architecture logiciel et réseau du centre de calcul, et l'écriture de dizaines de milliers de lignes de code. Étant donnés la taille de l'équipe et notre niveau d’engagement, chacun d’entre nous joue un rôle essentiel dans le succès de notre entreprise.
Selon vous, quelles sont aujourd’hui les qualités requises pour être entrepreneur, en France et aux Etats-Unis ?
Avant tout, il faut avoir le désir ardent de faire un impact tangible. De ce désir ardent découle le reste. Il faut aussi avoir la capacité de créer, de partager et d’enrichir une vision irrésistible. Elle crée une tension qui pousse à l’action et la focalise. Elle fournit aussi un contexte à l’effort de chacun qui lui donne du sens. Il faut également pouvoir garder les pieds sur terre pour soutenir cette vision d’une stratégie et d’une exécution solides. Il faut aussi et surtout ne pas avoir peur d'être complètement hors du status quo, des sentiers battus, de faire figure d’outsider. J’ajouterai enfin qu’il faut avoir le courage d’imaginer que tant qu’une chose n’a pas été prouvée impossible, c’est qu’il y a de grandes chances qu’elle soit faisable. Et encore, la preuve d'impossibilité repose souvent sur des hypothèses qu’il faut s’empresser d’essayer de contourner.
Donateur du Friends of Ecole Polytechnique, quelles sont les motivations de votre don ?
Ma motivation principale est de soutenir l’effort d’internationalisation de l’X.  Etre donateur me permet également de rester en contact avec l'École et de participer aux rencontres du “Friends of” sur la côte Ouest des USA autour d'intervenants de qualité. Il y a eu, par exemple, l’intervention mythique, il y a 2 ou 3 ans, d’Alain Rossmann qui nous a raconté son parcours de serial entrepreneur. L’un des points marquants de son intervention, c’est que nous vivons bien dans “l'âge d’or des start-up”, où des individus comme vous et moi peuvent mobiliser des ressources qui étaient absolument impensables il y a seulement quelques dizaines d’années de cela.
Retour