PAINVIN Jean (X1905)

PAINVIN Jean (X1905)
11 jan. 2010
Patrimoine, Polytechniciens en 14-18

Né le 28 janvier 1886 à Paris
Décédé le 21 janvier 1980 à Paris

Promotion X1905
Grade le plus élevé atteint au cours de la carrière : capitaine [1] (artillerie)

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Georges Painvin voit le jour le 28 janvier 1886 à Paris, au sein d’une famille de polytechniciens et de mathématiciens originaire de Nantes. Outre sa formation scientifique remarquable, le jeune homme fait également preuve de talents musicaux couronnés par un premier prix de violoncelle obtenu en 1902 au conservatoire de Nantes. En 1905, il réussit le concours d’entrée à l’X en se classant 20e. A son passage dans la première division l’année suivante il est même major des 168 élèves de sa promotion puis second à l’issue de sa formation l’année suivante. Il opte alors pour le corps des Mines où il fera carrière.
La réalisation de ce souhait l’éloigne du métier des armes. Le 7 septembre 1907 il est toutefois nommé sous-lieutenant de réserve et affecté au 33e régiment d’artillerie afin d’y accomplir sa troisième année de service. Après cela il ne suit plus que des courtes périodes d’instructions de quelques jours en 1909 puis en 1911. Le 1er septembre 1911 il est en outre promu lieutenant et réaffecté au 53e régiment d’artillerie l’année suivante. En octobre 1913 il effectue cette fois un stage d’épreuve à l’École de Guerre ce qui le fera affecter au service d’état-major le 6 avril 1914.
Ce n’est qu’en 1908 que Georges Painvin est entré à l’École Nationale Supérieure des Mines pour une formation de trois ans à l’issue de laquelle il est 4e des 6 élèves que compte sa promotion. Il est alors nommé ingénieur. Dès 1911, il devient également professeur de paléontologie [2] à l’École des Mines de Saint-Étienne [3] puis de Paris à partir de 1913. Hélas ces activités sont interrompues par la guerre un an plus tard.

Le radiogramme de la Victoire
Au déclenchement du conflit, Georges Painvin est naturellement rappelé sous les drapeaux. Il est alors affecté à l’état-major de la VIe armée du général Maunoury auprès de qui il sert en tant qu’officier d’ordonnance. Avec lui il participe notamment à la bataille de l’Ourcq. Sa fonction lui laisse toutefois une relative liberté qui lui permet de s’intéresser à la cryptologie et au chiffre [4]. Au début de l’année 1915, il émet un rapport à ce sujet à l’issue de quoi, bien que non formé à ces questions, il est affecté au Service Central du Chiffre. Rapidement, il y décrypte les codes des marines allemande puis autrichienne. Après cela, il s’intéresse également aux communications diplomatiques, ce qui conduit notamment à confondre l’espionne Mata-Hari. Au cours de premiers mois de la guerre, ses travaux permettent de suivre rapidement l’évolution du chiffre ennemi.
Toutefois, au début du mois de mars 1918, les radiogrammes allemands changent radicalement d’allure ce qui semble annonciateur d’une nouvelle offensive. Dès le 21, les troupes impériales déclenchent en effet une vaste opération sur la Somme qui enfonce le front des troupes de l’Entente. Le 5 avril, après 4 jours et 4 nuits d'investigations ininterrompues, Painvin établit les deux clefs de déchiffrement mais il se rend surtout compte que ces dernières changent quotidiennement. Le 27 mai, les Allemands repartent à l’assaut dans l'Aisne et finissent par menacer directement Paris. La situation est alors critique et il est indispensable aux forces françaises de localiser avec précision l’axe de l’attaque car leurs réserves ne peuvent tenir efficacement l’ensemble du front. Le 1er juin, l’officier se rend compte que les messages ennemis sont désormais basés sur une combinaison de six lettres, au lieu des cinq employées jusque là. Rapidement, suite à des travaux menés en collaboration avec deux camarades de son état-major, il est en mesure de donner les clés de déchiffrement de l’ensemble des radiogrammes au GQG. Parmi les communications, se trouve notamment celle qui sera par la suite appelée « radiogramme de la victoire ». Cette dernière localise avec certitude la zone de l’attaque dans la région de Montdidier, ce qui permet d’y envoyer cinq divisions commandées par le général Mangin. Le 9 juin, les forces impériales attaquent effectivement dans ce secteur mais elles sont rapidement contenus. Dès lors les troupes alliées reprennent l’offensive, ce qui les conduit à la victoire quelques mois plus tard.
Au lendemain de l’Armistice, épuisé par ces années d’efforts physiques, et surtout cérébraux, Georges Painvin est contraint de partir dans une longue convalescence. Ses services sous les drapeaux ont été récompensés par sa nomination en tant que Chevalier de la Légion d’Honneur le 14 juillet 1918, ainsi que par des décorations étrangères telles que la Military Cross ou la Croix de Chevalier de la Couronne italienne. Il faut toutefois noter que ses découvertes ont été cachées au grand public jusqu’à la levée du secret militaire, en 1962.
Un entrepreneur talentueux

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Au lendemain de la guerre, Painvin reprend ses enseignements à l’École des Mines de Paris mais uniquement à temps partiel. Il les poursuit jusqu’en 1945. Pour activité principale, il se lance dans une brillante carrière industrielle dans le domaine de l’électrométallurgie. Celle-ci le conduit au sein de la future SECEMAEU [5] à Ugine (Savoie) où il occupe des fonctions diverses et notamment celles de directeur puis de président [6]. A côté de cela il s’occupe également d’autres structures, telles que la société des produits azotés ou l’union des industries chimiques, qu’il préside toutes deux à partir de 1930 et de 1938. Dès 1934, il contribue aussi à la réorganisation de la bourse de Paris qu’il préside à partir de 1940. L’année suivante il devient Président du Crédit Commercial de France puis de la chambre de commerce et d’industrie de Paris au cours de l’année 1944.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il décide de prendre du recul et abandonne la plupart de ses fonctions. En 1948 il s’installe à Casablanca. Moins de deux ans plus tard il préside cependant à nouveau différentes sociétés du monde des mines et du plâtre [7] et est également en charge de la reconstruction du port de Casablanca. Il prend finalement sa retraite en 1962, et rentre alors en France à l’âge de 76 ans.
Le 21 juin 1980 il décède finalement dans son appartement du 16e arrondissement de Paris à l’âge de 94 ans. Edmond Lerville, ancien président de l'Association des réservistes du chiffre, dire alors des paroles résumant parfaitement l’importance de la carrière de l’ancien polytechnicien, et notamment de son volet militaire. « Avec sa disparition, ... les chiffreurs ont perdu un grand Maître, la France a perdu un grand homme... ».


Sources et bibliographie
• [En ligne] http://www.annales.org/archives/x/painvin.html
• Archives de l’École polytechnique, Dossier X1A (1905).
• Archives départementales de Loire-Atlantique, Registres matricules, 1R1185.


Notes
[1] Au cours de la guerre il est mentionné comme « capitaine ». Il est cependant envisageable qu’il ait été promu par la suite mais nous n’en avons pas la certitude, son extrait des registres matriculaires ne mentionne en effet pas ses affectations postérieures à 1913.
[2] Il a laissé de nombreuses publications sur ce sujet.
[3] Au sein de cette dernière, il a également enseigné la géologie et la chimie pendant deux années. A côté de cela, il aurait également « contribué à la géologie des plateaux de Bou-Denib » au Maroc.
[4] Il se serait initié à cette discipline avec le capitaine Paulier, chiffreur de la VIe armée.
[5] Société d'électrochimie, d'électrométallurgie et des aciéries électriques d'Ugine. Elle ne porte en réalité ce nom qu’à partir de 1921-22, au moment de la fusion des aciéries d’Ugine et de la Société d’électrochimie et d’électrométallurgie.
[6] Il occupe ce poste entre 1940 et 1946. En 1948, il en est nommé président d’honneur de la société Ugine-Kuhlmann.
[7] En 1950-1951 il est président délégué de la société Omnium Nord Africain (groupe industriel et financier privé marocain), en 1951 il est nommé président délégué de la Société chérifienne du plâtre puis de la Société chérifienne d'ouvrages maritimes, poste qu’il occupe jusqu’en 1958. En 1955 il devient également PDG de Safichimie (gypse).

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