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Petit tour d’horizon de la science ouverte à l’Institut Polytechnique de Paris

L’Institut Polytechnique de Paris (IP Paris) a récemment créé un Comité consultatif de la Science Ouverte chargé de définir et mettre en œuvre la politique de science ouverte de l’établissement. Il est composé de 14 scientifiques et personnels d’appui à la recherche des écoles membres d’IP Paris et de leurs principaux partenaires et co-tutelles (CNRS, IMT et Inria).
Cette nomination annonce une nouvelle étape dans la prise de position d’IP Paris en faveur de la science ouverte. L’adoption d’une politique en ce sens va permettre de structurer et d’accroître la visibilité des actions réalisées jusqu’à présent.
Cet article propose de faire un bref état des lieux de l’environnement dans lequel se situe IP Paris et inaugure une série d’articles qui documentera l’avancée des travaux initiés par le Comité consultatif de la Science Ouverte et le groupe de travail science ouverte du réseau des services de documentation d’IP Paris.
L’état des lieux des pratiques de science ouverte à l’IP Paris révèle que les communautés scientifiques n’ont pas attendu l’annonce de directives pour en appliquer les principes. Elles se sont même montrées exemplaires en matière d’ouverture des publications, comme en témoigne le Baromètre de la science ouverte[1] d’IP Paris[2] : en 2024, 81,73% des publications parues en 2023 sont en accès ouvert, soit 15 points au-dessus de la moyenne nationale[3].

Cette tendance – qu’on peut observer depuis la création d’IP Paris en 2019 (et auparavant chez ses écoles membres) – s’explique notamment par l’environnement dans lequel évoluent les scientifiques : d’une part, plusieurs des communautés disciplinaires ont une longue tradition dans l’ouverture des résultats de la recherche (c’est par exemple le cas en astronomie, mathématiques, sciences de l’environnement et biologie) ; de l’autre, le CNRS et Inria, tutelles de trois quart des unités de recherche d’IP Paris, soutiennent la science ouverte depuis plusieurs années et ont adopté des mesures incitant fortement les scientifiques à en appliquer les principes[4].

L’intérêt et l’implication des communautés scientifiques dans la science ouverte ont été confirmés par les résultats de l’enquête menée au printemps 2024 sur les pratiques de science ouverte à IP Paris et l’École nationale des ponts et chaussées. Elle avait pour principaux objectifs d’identifier les pratiques et de recenser les besoins en matière de services et d’accompagnements autour des questions de science ouverte. 12,7% des personnels scientifiques de l’IP Paris ont répondu au questionnaire[5], et 20 d’entre eux se sont portés volontaires pour réaliser un entretien individuel. Si l’enquête corrobore les pratiques d’ouverture des publications scientifiques, via la publication en accès ouvert[6] ou le dépôt en archive ouverte[7], elle révèle que les pratiques de partage des données, codes sources et logiciels sont moins systématiques[8]. Concernant les données, les scientifiques déclarent préférer les partager à la demande ou en supplementary materials d’un article plutôt que de les déposer dans un entrepôt de données. Lors des entretiens, les scientifiques interrogés ont confié accorder peu de temps à la documentation des données, travail pourtant jugé nécessaire pour permettre leur diffusion et réutilisation. Plusieurs des répondants ont d’ailleurs mentionné – tant dans le formulaire qu’en entretien – avoir des lacunes en matière de documentation et gestion des données, faisant de cette problématique une des priorités en matière de services à développer.
Parmi les autres besoins recensés, les scientifiques ont exprimé le souhait d’être accompagnés sur les volets juridiques liés à l’ouverture des productions de la recherche[9], et sur la rédaction de plan de gestion de données. Ils ont également fait remonter le besoin d’accéder à des infrastructures numériques, notamment pour pouvoir stocker leurs données. Enfin, les entretiens et l’espace de commentaires du questionnaire ont permis de signifier la volonté des scientifiques de voir l’IP Paris se positionner officiellement en faveur de la science ouverte et des enjeux qui en découlent, tels que la formation des jeunes scientifiques, l’évaluation de la science, ou le soutien aux modèles d’édition scientifique ouverts et raisonnés. L’enquête a également permis de préciser les formats que pouvaient prendre cet accompagnement : la documentation en ligne s’est avérée être le format le plus prisé, suivi de près par les rendez-vous individualisés et l’organisation d’ateliers et de formations.
[1] Cet outil permet de mesurer l’ouverture de la production scientifique (publications, thèses de doctorat, données, codes et logiciels) et les pratiques de science ouverte des communautés scientifiques. Il s’appuie sur la méthodologie développée par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et l’Université de Lorraine.
[2] Les données utilisées pour l’édition 2024 du Baromètre de la science ouverte de l’IP Paris sont issues d’extractions du Web of Science, Scopus et HAL réalisées en février 2025. Elles sont complétées des données du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche extraites en décembre 2024. A noter que l’édition 2024 du BSO IP Paris s’appuie sur les publications publiées entre 2019 et 2023, elle n’inclue donc pas les publications de l’École nationale des ponts et chaussées et de l’ENSTA Bretagne.
[3] Au niveau national, le taux d’ouverture des publications scientifiques est de 66,86% (voir le baromètre français de la science ouverte).
[4] Le CNRS demande que toute publication résultant d’une recherche financée essentiellement sur fonds publics soit déposée dans l’archive ouverte HAL et, depuis 2019, que seules les publications déposées dans HAL puissent être prises en compte lors de l’évaluation annuelle des scientifiques CNRS (voir la feuille de route pour la science ouverte).De son côté, Inria a fait du libre accès une de ses priorités en instaurant une obligation de dépôt du texte intégral de la version auteur de toutes les publications d’une équipe-projet Inria dans HAL (voir la note officielle).
[5] Au total, 300 personnels ont répondu à l’enquête. Il s’agit en majorité d’enseignants-chercheurs (60%) et de jeunes scientifiques (28%) répartis dans les différentes écoles membres de l’IP Paris et représentants toutes les disciplines.
[6] 71% des répondants ont déclaré avoir déjà publié en accès ouvert.
[7] 53% des répondants ont déclaré déposer le texte intégral de leurs publications dans l’archive ouverte HAL.
[8] 25% des répondants ont déclaré déposer leurs données dans un entrepôt. Et 4% des répondants ont déclaré avoir signalé leur code source ou logiciel dans l’archive ouverte Software Heritage.
[9] Les répondants ont précisé vouloir être accompagné sur la mise en œuvre de la stratégie de non cession des droits et les questions juridiques relatives à l’ouverture ou non des données de la recherche.
Les résultats de l’enquête ont permis d’identifier des pistes et priorités en matière de services à consolider et développer à IP Paris. Avant d’explorer ces pistes, il importe de connaître les services d’appui à la recherche et acteurs existants.
Le réseau des services de documentation est l’un des principaux acteurs accompagnant à l’adoption des principes de science ouverte. Il œuvre notamment au déploiement d’outils facilitant la découverte, la documentation et l’archivage des contenus ouverts, participe à la formation des jeunes scientifiques, et conseille les communautés scientifiques. Il propose un ensemble de services, dont :
L’administration du portail HAL d’IP Paris, qui regroupe l’ensemble de la production scientifique – déposée dans l’archive ouverte – des auteurs affiliés à IP Paris ou à l’une de ses écoles membres. Pour l’alimenter, les documentalistes accompagnent scientifiques et unités de recherche au dépôt des publications, et à la création d’identifiants chercheurs idHAL et de CV HAL, sous la forme de rendez-vous individuels, d’ateliers organisés à la demande des unités de recherche et d’une formation à destination des doctorants.
Des conseils sur la publication en accès ouvert, la stratégie de non-cession des droits, le choix des licences, les accords de lecture et de publication négociés par Couperin avec les éditeurs scientifiques, le choix d’un entrepôt de recherche[1], la documentation des données, etc.
La rédaction et la relecture de plan de gestion de données[2] et l’administration d’espaces institutionnels dans DMP OPIDoR[3].
La mise à disposition de ressources et de documentation sur la science ouverte, à travers l’alimentation de l’espace chercheur de l’École nationale des ponts et chaussées et la distribution de livrets, posters et flyers[4] dans les bibliothèques.
L’animation de formations doctorales à la science ouverte[5], dont une introduction à l’usage des identifiants chercheurs à travers l’exemple d’ORCID, une introduction à la publication en accès ouvert et au dépôt dans HAL et une introduction à la gestion des données de la thèse.
L’organisation d’événements communs autour des questions de science ouverte. Cela a abouti à l’animation de la première édition de l’Open Access Week de l’IP Paris en novembre 2024[6] et de la journée Gérer ses données sur le plateau de Saclay en février 2025[7].

L’unité propre de service Infrastructure - Données - Calcul Scientifique, en charge du déploiement du mésocentre d’IP Paris, propose un ensemble de services ayant trait à la gestion des données et des logiciels, dont : l’opération d’une plateforme de calcul intensif, le développement d’environnements cloud, la distribution et la maintenance de logiciels scientifiques, et l’animation de formations aux outils informatiques (environnement Linux et logiciel Git).
Parmi les autres services, les éditions de l’École polytechnique, les presses des Ponts et les presses de l’ENSTA mènent une réflexion commune pour ouvrir une partie des contenus éditoriaux. C’est déjà le cas du Journal de l’Ecole polytechnique _ Mathématiques, revue passée entièrement sur un modèle éditorial dit diamant[8], éditée par les Editions de l’Ecole polytechnique et diffusée par le Centre Mersenne.
De leur côté, les services des Affaires juridiques conseillent les scientifiques sur les contrats passés avec les éditeurs, les droits d’auteur et le respect des différents règlements en vigueur ayant trait à la protection des données sensibles et personnelles[9].
Si les différents services d’appui à la recherche ont développé un certain nombre de services pour accompagner les scientifiques sur les problématiques de science ouverte, il importe désormais de les développer pour répondre aux besoins des scientifiques, de structurer et fluidifier les processus d’accompagnement entre ces services, et de les rendre visibles auprès des communautés scientifiques pour qu’elles puissent en bénéficier pleinement.
[1] L’école nationale des ponts et chaussées et l’IMT ont a ouvert des espaces institutionnels dans l’entrepôt Recherche Data Gouv.
[2] En accord avec le Grants Office, ce service est destiné à l’ensemble des communautés scientifiques de l’IP Paris.
[3] Trois espaces institutionnels ont été créés : IP Paris, École polytechnique et École nationale des ponts et chaussées. Pour y accéder, il suffit de renseigner l’un de ces établissements lors de la création d’un compte.
[4] Il s’agit principalement des ressources éditées par le Comité pour la Science Ouverte (Passeports pour la science ouverte et guides), le CCSD, Software Heritage et des ressources internes.
[5] Ces formations, assurées en français et en anglais, ont été intégrées au catalogue de formation doctorale de la Graduate School.
[6] Cet événement a été l’occasion de donner la parole à des scientifiques de l’IP Paris impliqués dans la science ouverte, dont Stéphanie Chaillat (directrice de recherche au laboratoire POEMS, ENSTA) qui a par la suite rédigé un billet de blog paru sur le site du CCSD.
[8] Le modèle diamant permet de publier en accès ouvert sans frais dans des revues financées par des institutions et organisations à but non lucratif. Le Journal de l’École polytechnique est soutenu par l’École polytechnique, le CNRS et l’Université Grenoble-Alpes.
[9] Le délégué à la protection des données peut être sollicité à l’adresse suivante : gdpr[at]ip-paris.fr
En ce sens, le réseau des services de documentation d’IP Paris a lancé plusieurs projets visant à consolider l’offre de services existante. Aux projets présentés ci-dessous s’ajouteront bientôt ceux notifiés dans la feuille de route du Comité consultatif de la Science Ouverte.
Les travaux en cours ont notamment pour objectif d’améliorer la structuration et la visibilité des services d’appui à la recherche. C’est le cas du projet de structuration des services d’accompagnement à la gestion des données de la recherche qui mobilise différents services : le Grants office, les bibliothèques, le mésocentre et le service des affaires juridiques, ainsi que les infrastructures et centres interdisciplinaires ayant développés une expertise dans le traitement de la donnée[1]. Ce projet s’appuie sur la trame du label « Atelier de la donnée »[2] (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) pour déterminer les compétences, services et infrastructures proposés à la communauté scientifique d’IP Paris et offrir un accompagnement à chacune des étapes du cycle de vie des données de la recherche. Il s’agit à la fois de clarifier les processus internes (qui intervient à quelle étape ?) et de communiquer auprès des communautés scientifiques (contacts, offre de services).
Deux autres projets contribuent à l’amélioration du référencement et de la dissémination de la production scientifique, à savoir le projet sur l’alignement et l’enrichissement des référentiels de la recherche et le projet de refonte du portail HAL d’IP Paris. Le projet d’alignement et d’enrichissement des référentiels de la recherche[3], scindé en deux volets (structures et auteurs), a pour objectifs de fiabiliser les données décrivant les structures de recherche et les auteurs d’IP Paris et d’améliorer le repérage de la production scientifique à travers l’usage systématique de ces identifiants uniques et pérennes. De son côté, la refonte du portail HAL d’IP Paris est l’occasion de revoir les critères de moissonnage des publications pour intégrer celles de l’École nationale des ponts et chaussées et de l'ENSTA Bretagne récemment fusionnée avec l’ENSTA Paris, de créer de nouvelles collections pour mettre en avant les travaux menés au sein des départements d’enseignement et de recherche et des centres interdisciplinaires, et de proposer une nouvelle interface en accord avec la charte graphique de l’établissement.
D’autre part, deux projets visent à renforcer l’acculturation des pratiques de science ouverte, notamment auprès des jeunes scientifiques, à travers la révision de l’offre de formations doctorales à la science ouverte et l’organisation d’événements et ateliers. Le projet de révision de l’offre de formations doctorales a pour objectifs de compléter l’offre de formations à la science ouverte tant par les sujets abordés, que les formats proposés (introductions, ateliers pratiques) et d’identifier une équipe de formateurs au sein d’IP Paris. Ce projet s’appuie sur les résultats de l’enquête, les retours des doctorants[4] et l’analyse des catalogues de formations existants. En parallèle, l’organisation d’événements et ateliers pour sensibiliser et approfondir les enjeux et pratiques de science ouverte se poursuit avec pour objectifs l’organisation de deux temps forts annuels : l’Open Access Week et le printemps de la donnée, auxquels pourront se greffer d’autres ateliers plus ponctuels. Ces événements permettent d’accroître la visibilité des actions menées, de créer du lien entre les services d’appui à la recherche et les scientifiques, et de donner la parole aux différents acteurs œuvrant à la diffusion et l’ouverture de la science.
Enfin, une réflexion est en cours pour renforcer la communication et la visibilité des différentes actions menées tant au niveau politique qu’opérationnel. Elle englobe un travail d’identification des moyens et circuits de diffusion de l’information auprès des différents publics cibles (scientifiques, services, directions, externes) et de déploiement d’un outil centralisant l’information sur l’ensemble des services et politiques de science ouverte de l’IP Paris.
Pour vous informer de l’avancée de ces travaux et les décisions prises par le Comité Consultatif de la Science Ouverte, de nouveaux articles seront publiés sur le site de la BCX au fil de l’eau. A suivre...
[1] Parmi ces infrastructures, nous pouvons citer le mésocentre de l’IPSL, le CASD, et les centres interdisciplinaires E4C, Hi! Paris et E4H.
[2] Ce label national qualifie les dispositifs d’accompagnement à la gestion et la diffusion des données de la recherche pour leur expertise et qualité des services proposés aux équipes de recherche.
[3] Les référentiels utilisés pour identifier et décrire les structures de recherche sont le ROR, RNSR, IdRef et AuréHAL, et ceux utilisés pour identifier et décrire les auteurs sont ORCID, IdRef et AuréHAL.
[4] A l’issue de chaque formation, les doctorants complètent un questionnaire pour évaluer le cours et indiquer les thématiques sur lesquelles ils souhaiteraient être formés.