Améliorer l'imagerie à l'échelle nanométrique dans les liquides

Aleix Güell, chercheur au Laboratoire de physique des interfaces et couches minces, a obtenu une bourse européenne « Proof of Concept » afin d'explorer le potentiel commercial d'une technique pour étudier dans des liquides des matériaux allant des batteries aux cellules vivantes.
Améliorer l'imagerie à l'échelle nanométrique dans les liquides Aleix Güell développe un système de spectroscopie Raman exaltée par effet de pointe
16 Mar. 2022
Recherche, Portraits, Matériaux, LPICM

L'échelle nanométrique est un immense terrain de jeu à explorer pour les scientifiques. En tant que jeune chef de groupe au Laboratoire de physique des interfaces et couches minces (LPICM*), Aleix Güell est l'un d'entre eux. Pendant son doctorat en chimie, entre l'université de Barcelone, sa ville natale, et l'université de Californie à Irvine, il a synthétisé des nanomatériaux. Ses recherches se concentrent désormais sur des outils permettant de les caractériser.

Parmi les outils largement utilisé en nanoscience se trouvent les microscopes à sonde locale. Contrairement aux microscopes classiques qui forment une image directe de l'échantillon grâce à un système optique, ces instruments fonctionnent « comme le ferait un aveugle : ils utilisent une sonde, une tige de métal minuscule et pointue par exemple, pour "toucher" la surface de l'échantillon » explique Aleix Güell. L'interaction entre la sonde et la surface, quelle que soit sa nature (électrique, mécanique ou électromagnétique par exemple), est liée à la distance qui les sépare. En balayant tout l'échantillon avec la sonde, on peut construire une carte topographique à l'échelle nanométrique. Cette carte peut être complétée par des informations chimiques, telles que la structure de l'échantillon ou sa composition, en utilisant conjointement une autre technique appelée spectroscopie Raman. Dans ce cas, la lumière est projetée sur les matériaux et certains photons sont rétrodiffusés, porteurs d'informations chimiques. Ces photons sont collectés et l'information est extraite.

La spectroscopie Raman repose sur un phénomène dont l'efficacité est faible, surtout à l'échelle nanométrique.  Cependant, l'ajout de nanoparticules métalliques peut agir comme une antenne et amplifier le signal. Les physiciens appellent cela l’effet plasmonique. En plaçant une nanoparticule à l'extrémité d'une sonde, on obtient la " spectroscopie Raman exaltée par effet de pointe" (Tip-enhanced Raman spectroscopy ou TERS en anglais), une technique qui combine la microscopie à balayage et la spectroscopie Raman. Cette technique a déjà été développée pour étudier des échantillons dans l'air ou le vide.

L'extrémité de la pointe d'un système TERS diffuse la lumière issue d'un laser.

« Mais il faut désormais explorer les liquides » affirme Aleix Güell. Depuis 2017, grâce à une bourse "Starting Grant" du Conseil européen de la recherche (ERC), il mène le projet "AQUARAMAN", ainsi nommé en référence au super-héros Aquaman, dont le poster est accroché au mur de son laboratoire. « Le potentiel de cette technique pour étudier des systèmes dans des liquides est énorme. Il peut s'agir de cellules vivantes dans un liquide physiologique, ou de matériaux de batterie dans un électrolyte ». Son équipe met au point des systèmes TERS pour étudier de tels environnements et fabrique des sondes qui comportent à leur pointe une nanoparticule d'or, synthétisée au laboratoire. « Le fait que le laboratoire soit situé dans un pôle d'excellence scientifique tel que l'Institut Polytechnique de Paris est essentiel pour faire avancer le projet et étendre ses applications » explique Aleix Güell en détaillant ses collaborations avec le Laboratoire LuMIn de l'Université Paris-Saclay et le Laboratoire d'optique et biosciences (LOB*) de l'École polytechnique pour les études biologiques.  « Le centre interdisciplinaire E4C est aussi une opportunité d'avoir un impact dans le domaine des matériaux pour les batteries ». 

Pendant des années, l'application du TERS dans les liquides a été difficile, les résultats étant très sensibles aux conditions expérimentales. Le projet actuel d’Aleix Güell consiste à concevoir de nouvelles sondes d'une fiabilité accrue qui permettraient une comparaison quantitative entre des expériences réalisées dans des conditions différentes. Et l’ERC vient de lui accorder une nouvelle bourse, dite "Proof of Concept", afin d'étudier plus avant la viabilité des sondes et leurs éventuelles perspectives commerciales. « Avec un peu de chance, je pourrai engager une personne de plus dans mon équipe et étendre le réseau de laboratoires qui pourraient utiliser ces sondes, espère Aleix Güell. Cela pourrait également conduire à la création d'une start-up ».

 

*LPICM : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris

LOB : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Inserm

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