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Cibler des structures inhabituelles de l’ADN contre les maladies parasitaires

Dans un article publié dans Nucleic Acids Research, une collaboration internationale impliquant le Laboratoire d’optique et biosciences montre la présence de « nœuds » d’acides nucléiques appelés G-quadruplex chez des parasites de la famille des helminthes et identifie des molécules capables de se fixer à ces structures.
Cibler des structures inhabituelles de l’ADN contre les maladies parasitaires Ci-dessus, deux vers schistosomes adultes ensemble. Ils mesurent typiquement 1 cm de long. Crédit : J. Keiser, Bâle, CH
04 Mar. 2022
Recherche, Biologie et Biomédical, LOB

La double hélice de l’ADN qui constitue le génome des êtres vivants est une structure quasi-iconique de la biologie, formée par deux brins enroulés de quatre bases nucléiques formant des paires : l’adénine se liant avec la thymine, et la cytosine avec la guanine. Mais l’ADN, tout comme l’ARN simple brin, peut parfois adopter des configurations inhabituelles. « Les plus fréquentes sont appelées G-quadruplex. Elles forment une sorte de nœud dans le génome qui peut s’avérer problématique pour la cellule si elle n’arrive pas à s’en défaire » explique Jean-Louis Mergny, directeur de recherche Inserm au Laboratoire d’optique et biosciences (LOB*) et spécialiste de ces structures d’acides nucléiques qui sortent de l’ordinaire. Ces structures sont présentes dans tous les organismes, y compris chez l’humain, et joueraient un rôle dans l’infection par le SARS-CoV-2.

Le séquençage récent du génome de vers parasites parmi les helminthes, comme les schistosomes, lui a donné l’idée de s’y intéresser en compagnie de spécialistes de bioinformatique, de chimie et de parasitologie. Ces vers sont responsables de maladies tropicales négligées comme la schistosomiase (ou bilharziose), dont on estime qu’elle infecte 200 millions de personnes dans le monde et est véhiculée par des tiques. « Cette infection est prévalente en Afrique mais commence à s’étendre, et a été détectée en Corse, souligne Jean-Louis Mergny. Un traitement existe déjà, mais le parasite pourrait y devenir résistant ». Le ciblage des G-quadruplex, déjà envisagé en cancérologie et en virologie, pourrait constituer une piste thérapeutique.

Les principaux motifs élémentaires des G-quadruplex sont des quartets d’une seule base nucléique, la guanine (d’où leur nom). Dans des travaux précédents, Jean-Louis Mergny et ses collègues ont développé un algorithme bioinformatique, G4 Hunter, qui identifie avec précision les séquences au sein des génomes susceptibles de former ces G-quadruplex. Dans cette nouvelle étude publiée dans Nucleic Acids Research, ils ont appliqué cet outil à plus d’une dizaine d’espèces d’helminthes. Ces résultats in silico ont également été validé par des expériences in vitro, afin de vérifier que les G-quadruplex étaient bel et bien présents dans les cellules.

De façon surprenante, ils ont remarqué que le ver Ascaris lumbricoides en particulier présente un fort taux de G-quadruplex très stables, sans que cela lui soit délétère. « Nous ne comprenons pas encore pourquoi. Une hypothèse est qu’il dispose d’enzymes très efficaces pour défaire ses nœuds, même s’ils sont extrêmement solides. Nous comptons continuer à investiguer » poursuit le chercheur.

Second résultat important de cette étude, l’équipe a trouvé de petites molécules, des ligands, capables de se lier spécifiquement aux G-quadruplex de Schistosoma mansoni, et agissant ainsi comme une sorte de colle qui empêche la cellule de défaire ces nœuds. Les résultats montrent que certaines de ces molécules ont une activité antiparasitaire aussi efficace que le traitement de référence sur la forme adulte du ver, et même plus efficace sur la forme larvaire.

Les contraintes à lever sont encore nombreuses avant d’arriver à un traitement, l’étape suivante serait de tester ces molécules chez un modèle animal infecté par Schistosoma mansoni. D’autre part, d’autres ligands restent à tester, dans le but d’identifier des molécules encore plus efficaces. Enfin, des questions de biologie fondamentale se posent, d’une part pour apprendre comment certains vers peuvent supporter la présence de nœuds extrêmement solides, et d’autre part sur l’évolution des génomes afin de comprendre, par exemple, pourquoi certains sont enrichis ou au contraire appauvris en G-quadruplex.

*LOB : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Inserm

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