Des cavernes de sel pour stocker l’hydrogène ?

Des cavernes de sel pour stocker l’hydrogène ?
27 jan. 2021
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La France cache dans ses sous-sols des gisements de sels cristallisés sur une grande partie de son territoire. Au total, plus de 20 000km² de sel, sur des centaines de mètres d’épaisseur, ont été déposés par l’océan avant d’être recouverts par des sédiments et autres roches.

Depuis plusieurs dizaines d’années, les industriels exploitent les propriétés du sel en y creusant des cavernes pour stocker du gaz. Avec une perméabilité et une porosité extrêmement faibles du matériau, cette solution pourrait être adaptée pour répondre aux besoins de stockage de l’hydrogène, ce vecteur d’énergie du futur.

Des cavernes artificielles
Les cavernes de sel sont créées artificiellement, simplement en injectant de l’eau dans le sous-sol afin de dissoudre le sel. Avec un tuyau à deux passages, il est alors possible de récupérer la saumure, c’est-à-dire l’eau saturée en sel, et de creuser petit à petit des cavernes de plusieurs centaines de milliers de mètres cube.

La caverne sur laquelle travaille Pierre Bérest, Professeur émérite à l’École polytechnique au sein du Laboratoire de mécanique des solides (LMS*), est une « petite cavité » située en Bresse : seulement 8000m3. A terme, les plus grandes cavités auront un volume de 1 million de m3 et pourront contenir 180 millions de m3 de gaz sous-pression.

Des contrôles spécifiques à l'hydrogène
Avant de mettre en place ce dispositif à échelle industrielle, il est nécessaire de s’assurer de sa viabilité. En effet, l’hydrogène est un gaz très explosif. Ainsi, son stockage peut susciter l’inquiétude et la solution des cavités salines présente l’intérêt d’un isolement vis-à-vis de l’air ambiant, et d’un camouflage stratégique en cas de conflit. Néanmoins, un suivi de l’étanchéité est nécessaire.

Pierre Bérest et son équipe au LMS ont déjà travaillé sur des dispositifs d’une précision extrême pour détecter des variations infimes de pression dans ce type de cavité.
Mais « l’étanchéité, qui est le point d’attention le plus évident, n’est pas la seule vigilance qu’il faut avoir » explique Pierre Bérest. A l’échelle de temps géologique le sel se comporte comme un liquide : sur des dizaines d’années, on observe que le sel s’écoule et que les cavités peuvent avoir tendance à se refermer. « Ce phénomène peut être accentué par les cyclages (remplir et vider régulièrement la cavité de gaz), en réduisant ainsi le volume de la caverne créée initialement ».

Enfin, Pierre Bérest s’intéresse à un phénomène qui n’a pas encore été étudié : les échanges thermodynamiques au sein de la caverne. En effet, la présence d’humidité liée à la création de la cavité, combinée à la différence de température et de pression entre le sommet et le fond de la cavité, sont susceptibles d’engendrer une véritable « météorologie » souterraine (pluie, brouillard, etc.). En plus de leur intérêt pour la compréhension pure de ces phénomènes, ces recherches permettraient de s’assurer que cette circulation d’eau ne risque pas d’humidifier le gaz, le rendant ainsi moins pur pour les utilisations ultérieures de l’hydrogène.
 

Un maillon d'une grande chaire énergétique
Les travaux de recherche menés au LMS sont un maillon d’une chaine énergétique plus globale dédiée à l’hydrogène et testée par le projet européen HyPSTER. Consortium d’entreprises et d’organismes européens, cette collaboration pilotée par Storengy (filiale d’ENGIE), a pour ambition de créer un pilote intégré associant :
-    La récupération d’électricité verte
-    La conversion de cette électricité en hydrogène par électrolyse de l’eau
-    Le stockage en cavité saline évoqué dans cet article
-    La récupération et la distribution de l’hydrogène vers des utilisateurs finaux

Ce projet a reçu un financement de la commission européenne pour mener à bien les différentes étapes pour la création, le stockage et l’exploitation de ce vecteur d’énergie, permettant ainsi de tester des de démontrer son intérêt concret pour l’avenir.

 > Le projet HyPSTER

* LMS : Une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris

 

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