La reconnexion magnétique étudiée en laboratoire

Dans de nombreux processus astrophysiques comme les éruptions solaires, l'accélération des particules résulte vraisemblablement de la reconnexion entre différentes lignes de champ magnétiques. Dans un article paru dans Nature Communications, une équipe comprenant des chercheurs du Laboratoire pour l'utilisation des lasers intenses et du Laboratoire de physique des plasmas montre que la géométrie de ces lignes de champ joue un rôle crucial.
La reconnexion magnétique étudiée en laboratoire A la surface du Soleil, le rayonnement de particules chargées illumine les lignes de champ magnétique qui forment des arches. Lors d’une éruption solaire, ces lignes de champ se reconfigurent lors d'une reconnexion magnétique. Crédit: NASA/GSFC/SDO
08 déc. 2022
Recherche, Plasmas, Sciences fondamentales, LPP, LULI

Lors d’une éruption solaire, notre étoile expulse de gigantesques gerbes de particules et de rayonnement. Au cœur de ce phénomène, la reconnexion magnétique joue le rôle d'accélérateur de particules : le changement de topologie des lignes de champs magnétiques qui constituent les pieds des arches solaires libère une grande quantité d’énergie. La dynamique de ce processus, qui se produit également dans d’autres événements astrophysiques, reste mystérieuse à comprendre. En particulier, les observations solaires montrent que ce processus est rapide et impulsif, ce dont les modèles théoriques ont du mal à rendre compte. Les scientifiques avancent l’hypothèse que la géométrie est le facteur essentiel conditionnant la rapidité de la reconnexion magnétique. Les travaux réalisés par une collaboration de chercheurs, notamment du Laboratoire pour l'utilisation des lasers intenses (LULI*) et du Laboratoire de physique des plasmas (LPP*) dans le cadre de la thèse de Simon Bolanos, supportent cette hypothèse. Ils sont publiés dans la revue Nature Communications.
En effet, beaucoup de modèles théoriques considèrent que la reconnexion magnétique s’effectue dans un plan. Mais il est probable que la géométrie tridimensionnelle des lignes de champs magnétiques joue un rôle essentiel. Notamment, que se passe-t-il si une structure magnétique est inclinée par rapport à une autre avant la reconnexion ?
Il est difficile de répondre à cette question en observant directement la dynamique des arches solaires lors des éruptions solaires. Mais avec des lois d’échelle, on peut reproduire de façon pertinente en modèle réduit les phénomènes observés dans l’espace. C’est le domaine de l’astrophysique de laboratoire.

Dans l’expérience d’astrophysique de laboratoire (à gauche), deux faisceaux lasers focalisés sur des cibles créent deux structures magnétiques. Les simulations numériques reproduisent ce phénomène (à droite). Crédit Andrey Sladkov.

Le principe de l’expérience menée sur la plateforme LULI2000 consiste à envoyer un faisceau laser nanoseconde de haute intensité sur deux cibles pour générer un plasma. Dans cet état de la matière, les électrons circulent et engendrent un champ magnétique. Les deux cibles créent donc deux structures magnétiques, dont l’inclinaison relative est contrôlée. Afin de mesurer le champ magnétique, les chercheurs utilisent la méthode de radiographie de proton développée au LULI : des flashes de protons traversent la structure et la mesure de la déviation de leur trajectoire permet de remonter au champ magnétique (plus précisément à l’évolution du gradient du champ magnétique).
En complément, des simulations numériques réalisées au LPP montrent que le processus de reconnexion magnétique se déroule d’autant plus lentement que l’inclinaison entre les structures magnétiques est grande. L’hypothèse de la géométrie serait donc une bonne piste pour expliquer les observations astrophysiques.

*LULI : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, CEA, Sorbonne Université
LPP : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Observatoire de Paris, Sorbonne Université, Université Paris-Saclay

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