Les apports de la co-création à la conception universelle

Les apports de la co-création à la conception universelle
14 déc. 2020
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Depuis l’adoption de la loi européenne sur l’accessibilité (European Accessibility Act) en 2018, les acteurs industriels sont incités à appliquer les principes de la conception universelle et donc de rendre leurs produits et sites web accessibles à tous. En se basant sur trois ateliers de co-création avec des personnes en situation de handicap (PSH) autour de produits distincts (une borne de remise de chèques, un jeu vidéo de rééducation et un photocopieur), Estelle Peyrard, doctorante de l’Institut Polytechnique de Paris et Responsable d’APF Lab et Cécile Chamaret, maître de conférences à l’École polytechnique, toutes deux rattachées à l’Institut Interdisciplinaire de l'Innovation - Centre de Recherche en Gestion*, ont mis en lumière les bénéfices de la co-création en matière de conception universelle et les bonnes pratiques associées.


Ces principes de conception pour tous ont été formalisés dans les années 90 par le Center for Universal Design et concernent notamment l’utilisabilité, l’universalité dans l’usage ou la tolérance à l’erreur. Qui de mieux placé que les PSH pour participer à la conception de ce type de produit ? Dans un article récent, Buisine, Boisadan et Richir proposent d’impliquer des utilisateurs « extraordinaires » tels que des personnes âgées, des PSH ou encore des enfants, car ceux-ci, non familiers des produits, sont capables de revenir a des besoins primaires que les autres utilisateurs ont oublié en s’adaptant aux insuffisances des produits existants.


C’est de cette idée qu’est né APF Lab en 2018, avec pour but d’accompagner les processus de co-création au sein des entreprises. Les travaux de recherche d’Estelle Peyrard et Cécile Chamaret, menées dans ce contexte et publiés dans le n°141 de Gérer et Comprendre, sous le titre « Innover pour tous mais avec qui ? Trois cas de co-conception avec des PSH », ont dégagé quatre bonnes pratiques de co-création.


Tout d’abord, si la participation des PSH aux ateliers de co-création est accompagnée par des professionnels de santé, il est nécessaire de donner toute sa place à l’avis des utilisateurs. En effet, l’avis des professionnels, placés en position de « sachant », peut sembler plus important aux décideurs, qui perdent alors de vue l’utilisateur final.


Ensuite, il est important que le test d’un produit ne valide pas seulement le fait que l’utilisateur est parvenu à réaliser l’usage prévu, mais également que cela ne l’a pas mis en difficulté (essais répétés ou temps exagérément long).


La troisième bonne pratique consiste à laisser les utilisateurs tester le produit sans intervention. En effet, la situation de handicap cause souvent une « suraide » lors des ateliers de test, empêchant ainsi la représentativité des conditions réelles.


Le dernier point mis en avant dans ce travail est qu’il serait souhaitable que les PSH soient impliquées au plus tôt lors de la conception des produits. C’est vrai pour toutes les démarches de co-conception mais la sollicitation tardive est particulièrement fréquente en matière d’accessibilité. Lorsque les PSH sont sollicitées, les prototypes sont souvent à un stade trop avancé pour être suffisamment revus pour pallier les problèmes soulevés lors des ateliers.


L’écosystème des startups dans le domaine du handicap est en effervescence. Les incubateurs fleurissent, avec de multiples méthodologies de conception centrée utilisateurs. Les recherches d’Estelle Peyrard et de Cécile Chamaret permettent de souligner l’apport des utilisateurs en situation de handicap dans la conception et de souligner les bonnes pratiques en la matière.


Cette recherche a été financée par APF France handicap et Sodexo.

* I3-CRG – unité mixte de recherche CNRS – École polytechnique

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