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Invisensing.io : détection acoustique et analyse des données par fibre optique

Aujourd'hui, le centre Drahi-X-Novation Center vous propose une interview de Feng YANG, co-fondateur et Président d’Invisensing.io, une startup intégrée à notre dispositif X-Tech et travaillant sur la détection à distance à base de fibre optique, pour relever des informations utiles et les intégrer dans des systèmes de contrôle et maintenance préventive.
Invisensing.io : détection acoustique et analyse des données par fibre optique https://invisensing.io/
20 avr. 2022
Entrepreneuriat, Innovation

 

INTRODUCTION :

Qui êtes-vous, Dr. Feng Yang ? Et quelles sont vos ambitions en tant qu'entrepreneur ? Notamment, avec Invisensing.io ?

Je suis diplômé de l’École polytechnique (X2001). Après mes études d’ingénieur, j’ai effectué une thèse de physique dans le domaine de la supraconductivité. En 2011, j’ai intégré la CGG (Compagnie Générale de Géophysique) et j’y ai travaillé en tant que chercheur sur le traitement de données sismiques à larges bandes.

Ce parcours m’a permis d’acquérir de l’expérience de première main dans les domaines de l’imagerie optique et de l’imagerie acoustique. Invisensing.io est un mariage de ces deux domaines.

Ma principale ambition est de satisfaire ma curiosité sur trois axes : scientifique, social et économique. Je suis né en Chine et y ai agrandi jusqu’à mes études universitaires : c’était déjà cette même curiosité qui, il y a 20 ans, m’a conduit à venir en France.

La curiosité scientifique reste pour moi la motivation principale, même si à chaque instant je suis conscient que sans ressources financières, il est très difficile de faire tourner une entreprise. Si je réussis, l’indépendance financière sera la conséquence de cette réussite, pas l’objectif de départ.

Quand avez-vous réalisé que vous pouviez créer une entreprise à partir de l'expérience que vous aviez acquise dans la recherche en imagerie acoustique au CGG ? Qu’est ce qui a été le fondement de votre décision de créer Invisensing.io ?

Mes années passées à la CGG m’ont permis de voir comment un nouvel algorithme ou une nouvelle technique de mesure se traduit en retombées économiques. J’ai également vu comment fonctionnait une entreprise, avec ses hauts et ses bas, l’importance du dialogue social, etc.

Au niveau personnel, la raison fondamentale qui m’a poussé à créer Invisensing.io est une envie assez universelle, celle de s’exprimer. Pour les chercheurs, une façon de le faire est à travers des découvertes scientifiques. Dans mon cas particulier, il y a aussi l’envie de développer un business. Invisensing.io est le résultat de ces deux envies.

D’un autre côté, pour réaliser ces envies, il faut aussi considérer les conditions externes : ce qu’on se sent capable de faire, les ressources qu’on peut mobiliser, etc… La création d’une start-up a besoin à la fois de motivations intérieures et de conditions externes favorables. En avril 2019, j’ai senti que j’étais prêt pour lancer ce projet.

Qu’est ce qui a motivé votre intégration à la pépinière X-Tech de l’Ecole polytechnique ?

En tant qu’ancien élève de Polytechnique, je connais le Drahi-X-Novation Center depuis longtemps. Ce début d’année 2022 est un bon moment pour s’intégrer dans la pépinière : nos produits sont prêts à être lancés et nous cherchons à gagner en visibilité pour accompagner la croissance de notre start-up.

X-Tech offre des avantages qui nous conviennent : l’espace de prototypage, les événements organisés, les rencontres avec d’autres start-up, la connexion avec X-Corporate, etc… Tout cela, c’est très intéressant pour nous.

Allez-vous utiliser l’espace de prototypage du Drahi-X-Novation Center et / ou d’autres services (laboratoires de l’école, réseau de l’école, IP Paris, Plateau de Saclay, etc…) ?

Dès notre arrivée au Drahi-X-Novation Center, nous avons utilisé l’espace de prototypage pour l’intégration produit. Gareth Paterson nous aide avec la modélisation 3D et Cyril Hasson avec la fabrication des pièces et l’usinage, parmi d’autres services. L’aide du centre est très variée et nous l’apprécions beaucoup.

Concernant les laboratoires de l’École polytechnique, nous n’avons pas encore signé de contrats avec eux mais nous sommes en relation avec eux, et ce depuis la création d'Invisensing.io. Notamment, deux laboratoires nous ont beaucoup aidés, le LPICM (Laboratoire de Physique des Interfaces et des Couches Minces) et le LULI (Laboratoire pour l'Utilisation des Lasers Intenses), et je tiens d’ailleurs à les remercier à ce titre.

En effet, j'ai effectué mon séjour post-doctoral au LPICM où j'ai appris la polarimétrie et une partie de l'histoire de développement du LPICM. Le Professeur Bernard Drévillon, fondateur et ancien directeur du LPICM, est mon mentor dans ce projet entrepreneurial.

Le développement du LPICM m’a fortement inspiré, de l'invention d'un appareil de mesure performant (ellipsomètre) à des réalisations stratégiques pour la filière photovoltaïque. Invisensing.io, qui fabrique aujourd’hui un instrument de mesure acoustique distribuée de haute précision (DAS, Distributed Acoustic Sensing), vise aussi à tracer son chemin pour prendre le lead dans la surveillance et le contrôle de l’écoulement dans les pipelines. Je souhaite aussi remercier le Professeur Yvan Bonnassieux (directeur du LPICM) pour son appui dans notre intégration au Drahi-X-Novation Center et son collègue chercheur, M. Angelo Pierangelo, pour nos discussions scientifiques et ses encouragements.

L’aide du LULI nous a été précieuse elle aussi en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, lorsque nous ne pouvions pas poursuivre nos activités de prototypage dans nos anciens locaux. Le LULI nous a offert un espace de travail, en juillet et août 2020, ce qui nous a permis de reprendre nos activités après 4 mois d'arrêt. Je souhaite remercier M. Patrick Audebert et M. Jean-Christophe Chanteloup pour leur précieux accueil durant ces deux mois.

Nous sommes maintenant hébergés à l'X. C'est l'occasion d'aller plus loin dans nos liens avec les laboratoires de l'école et concrétiser des projets ensemble.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre technologie de détection acoustique ? Comment fonctionne-t-elle ?

Notre technologie consiste à transformer une fibre optique standard de télécommunication en un réseau de microphones ultra-sensibles. La fibre optique devient ainsi une caméra géante capable de photographier le champ d’ondes acoustiques.  Des technologies similaires existent déjà, elles font partie de la famille de la technologie DAS (Distributed Acoustic Sensing) mais par rapport à celles se trouvant sur le marché, la nôtre offre un meilleur rapport signal sur bruit et une grande gamme dynamique de mesures. Nous y parvenons grâce à la combinaison de notre savoir-faire en matière d’optique et de traitement du signal, qui décode quantitativement et précisément les mesures optiques en champ d’ondes acoustiques.

Le mode de mesure se fait à distance, grâce à la rétrodiffusion. En effet, de par son procédé de fabrication, la fibre optique standard de télécommunication présente naturellement des points de diffusion de la lumière. Une partie de la lumière diffusée par ces points est rétro-propagée vers le point de départ (là d’où est injectée la lumière). Elle contient de l’information sur l’environnement extérieur, notamment les vibrations ressenties par la fibre optique et qui peuvent alors être captées et localisées avec précision. Ce type d’appareil porte ainsi le nom d’interrogateur optique (interrogator), parce qu’il « interroge » la fibre optique pour obtenir de l’information sur son environnement. Cela permet par exemple de détecter des intrusions sur des sites sensibles (frontière entre deux pays, aéroports, etc...) ou de surveiller l’écoulement de flux dans des pipelines.

Votre interrogateur optique est-il intégralement fabriqué ou simplement assemblé au Drahi ?

Nous le fabriquons intégralement et avions déjà commencé à le faire avant de venir au Drahi-X-Novation Center.

En quoi êtes-vous différenciant ? Est-ce que vous avez obtenu le brevet pour votre technologie ? Qu’en est-il de cette technologie/ce domaine en France et à l’étranger ?

Nous ne fournissons pas seulement l’interrogateur optique, nous apportons aussi le logiciel de traitement des données en temps réel par l’intelligence artificielle, car le volume de données récoltées est énorme et il faut pouvoir les traiter pour satisfaire les besoins du client. Et souvent, nous couplons nos mesures avec les systèmes de production ou de contrôle pour maximiser la valeur du service.

Nous avons un brevet qui nous a été attribué depuis le 7 janvier 2022. C’est le résultat d’un processus qui a débuté au mois de mai 2019. C’est un brevet international délivré en France et dont nous avons demandé l’extension aux États-Unis et à l’Arabie Saoudite.

Concernant votre troisième question, il existe en France de nombreux laboratoires d’optique et aussi dans le domaine de la détection à base de fibre optique. Outre ceux de Palaiseau-Saclay, les plus connus sont à Bordeaux, à Lille et la région Bourgogne-Franche-Comté. En ce qui concerne la concurrence à l’étranger, la plus forte vient de l’Angleterre, il y a beaucoup d’entreprises britanniques qui travaillent dans le même domaine qu’Invisensing.io.

Quels conseils donneriez-vous à un chercheur sur la manière d'aborder le monde de l'entrepreneuriat et d’accéder au statut d’entrepreneur en continuant son travail de recherche ? A-t-il fallu faire des choix ?

Le premier conseil que je donnerais serait d’abord de suivre des formations adaptées. Par exemple la formation Deeptech Founders, sous le patronage de Bpifrance, qui permet de bénéficier du retour d’expérience d’entrepreneurs. HEC Challenge Plus est aussi une formation que je recommanderais : elle traite de la méthode à suivre pour bien entreprendre mais d’un point de vue global. Elle m’a été très utile et enrichissante, notamment sur les systèmes de veille à mettre en place pour suivre la croissance d’une start-up.

Un deuxième conseil est de compter sur des qualités intrinsèques des chercheurs, qui ont une grande capacité de travail, de réalisation, de concentration et de rigueur, le tout dans un esprit créatif. Dans le monde de l’entrepreneuriat, ces qualités sont particulièrement précieuses. Je trouve en effet qu'il y a un certain parallélisme entre la démarche de recherche scientifique et celle de l’entreprenariat. Dans les deux cas, il s’agit de coupler la liberté avec la discipline : les deux vont ensemble.

Bien sûr, il y a quand même des différences entre le métier de chercheur et celui d’entrepreneur. Par exemple, quand on est entrepreneur, on n’a plus de patrons comme le CNRS, les universités ou les écoles pour demander des ressources financières ou matérielles. Il faut tout trouver par soi-même.

Assurer les ressources nécessaires est la tâche la plus importante de l’entrepreneur-chercheur. C’est seulement après cela qu’il peut encore poursuivre un travail de recherche pour son entreprise. Dans mon cas, j’apprends à devenir un chef d’entreprise et mets le rôle de chercheur pur au second plan.

 

SECTEUR D'ACTIVITÉ :

Quelle est votre opinion sur l'importance du secteur DeepTech en France ?

La DeepTech française est très dynamique et soutenue par l’ensemble de l’écosystème. C’est important car un pays riche doit être un pays industrialisé. La DeepTech permet à la France de prendre une position stratégique pour la croissance future de son industrie, notamment à travers l’exportation de nouveaux produits à haute valeur ajoutée.

D’une manière globale, la DeepTech génère des bénéfices sociaux, écologiques et économiques.

Maintenant, comme je suis sur le campus et pense que la DeepTech permet de cultiver et continuer à nourrir la curiosité scientifique des étudiants.

De quelle manière pensez-vous que le développement des startups DeepTech (comme Invisensing.io) dans l'écosystème de l'innovation Paris-Saclay peut être stimulé davantage et plus largement en France ?

L’écosystème de Paris-Saclay présente trois ingrédients très favorables : des grandes entreprises, des écoles/universités disposant d’un vivier des étudiants et des laboratoires, et de nombreuses start-ups qui portent le vecteur d’innovation. C’est un endroit idéal et favorable pour le développement des start-ups DeepTech. Il faudrait y avoir encore plus d’investisseurs mais il y en a déjà quelques-uns à Paris-Saclay.

 

INVISENSING.IO :

Pourriez-vous partager quelques chiffres clés sur Invisensing.io ? Quelle est sa taille ? À quel stade de développement en est-elle ? Quel est son chiffre d’affaires ?

Nous sommes une équipe de 6 personnes. La majorité est à Palaiseau mais d’autres membres de l’équipe se trouvent dans d’autres villes (Dubaï par exemple pour être plus près de clients pétroliers et gaziers de la région).

Nous sommes dans la phase de l’adéquation produit-marché. Le chiffre d’affaires estimé pour cette année est de l’ordre de 400 000 € constitué de la vente de DAS et de services.

Votre première brochure numérique est passée en production, combien de temps de travail avez-vous consacré à cela ? Et qu'est-ce que cela signifie pour la start-up ? Quel est l’objectif concrètement ? Quel est le marché qui montre le plus d'intérêt pour votre solution ?

Après avoir travaillé pendant quelques semaines, la brochure est lancée comme expression de notre volonté commerciale. Nous partageons cette brochure avec nos partenaires qui participent à la distribution de notre technologie et notre service.

Le marché qui montre le plus d’intérêt est autour de la surveillance de pipelines.

Vous mentionnez sur votre site web que vous avez des collaborations avec des fabricants de câbles de détection, quelles autres collaborations/partenariats importants avez-vous ?

Nous travaillons avec des fournisseurs de laser de premier plan pour construire nos interrogateurs optiques.

Un partenariat important est établi avec l’École des Mines de Paris, sur la partie de contrôle de l’écoulement multiphasique dans des conduits.

C’est important de créer et cultiver de bonne relations gagnant-gagnant dans tous types de collaborations et partenariats.

 

NEWSROOM :

Vous avez annoncé en novembre 2021 le partenariat avec AFKAR, comment cela vous a-t-il aidé à déployer votre solution dans la région MENA (Middle East & North Africa) ?

AFKAR Ventures est créé par un groupe d’ingénieurs et de managers de haut niveau avec plus de 30 ans d’expérience dans le domaine de l’énergie. Ils ont un grand réseau et un ancrage local dans la région MENA : des liens directs avec des clients et des équipes opérationnelles. Le solide tissu commercial d'AFKAR va certainement accélérer le déploiement de notre technologie et rendre les opérations pétrolières et gazières plus sûres et plus intelligentes dans cette région.

Quelle est la présence internationale de la start-up ? (sur combien de pays, de continents, etc…) Aujourd'hui et à l'avenir.

Nous avons des connexions en Allemagne, en Norvège, en Chine, au Moyen Orient, en Afrique du Nord, et aux États-Unis. Le succès de la start-up dépendra de la transformation de ces connexions en projets et en chiffre d’affaires.

Y a-t-il de grandes nouvelles à venir pour Invisensing.io ?

Nous allons bientôt mettre en place un conseil de stratégie. Le but est de mieux gérer les objectifs et d’examiner, contrôler et recommander des actions pour le développement d'invisensing.io.

 

OBJECTIFS ET FEUILLE DE ROUTE :

En ce qui concerne le parcours d'invisensing.io, quelles sont les principales réussites que vous avez connues, et quelles décisions prendriez-vous à nouveau ?

Premièrement, la construction d’une bonne équipe, capable de mener et exécuter ce projet.

Deuxièmement, la réalisation : nous avons développé et sorti un produit DAS de haute précision. Grâce à ces réussites, nous avons toujours eu la confiance des banques notamment la Bpifrance et la Société Générale.

Nous allons développer la mesure de température distribuée (DTS) vers l’automne de cette année, qui sera intégrée avec notre DAS. Ensuite, nous mettons nos efforts dans le développement de DAS à très basse fréquence, qui nous permettra de développer la mesure de pression distribuée, la DPS, avec un coût maîtrisé.

Pour finaliser, quelles sont vos principales milestones pour cette année ?

Le principal objectif est de débuter la vente et d'établir le cycle de vente de DAS cette année.

La levée de fonds est aussi un objectif important. Nous avons besoin de ces ressources pour soutenir les recrutements des ingénieurs qualifiés pour la bonne exécution du projet.

 

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