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Stilla technologies, une spin off à succès du laboratoire d’hydrodynamique

Stilla Technologies développe et commercialise des systèmes d’analyse génétique de haute précision utilisés aujourd’hui par plusieurs centaines de laboratoires dans le monde. Le groupe américain Bio-Rad laboratories va l’acquérir pour 225 millions de dollars. Cette entreprise à succès a pour origine le campus de l’École polytechnique, et plus spécialement le laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX*), dans le groupe de Charles Baroud. Ce dernier revient sur les premiers pas de cette aventure démarrée en 2011.
Charles Baroud et Rémi Dangla, cofondateurs de Stilla Technologies
23 mai. 2025
Entrepreneuriat, Innovation, Recherche, LadHyX

Vous avez monté l’activité de microfluidique en 2002, à votre arrivée à l’Ecole polytechnique. Est-ce un domaine où la recherche et ses applications sont très liées ?

La microfluidique étudie les écoulements de fluides à l’échelle sub-millimétrique. Dans mon groupe, nous étudions plus spécialement les milieux où il y a deux phases. De l'air et de l'eau, ou bien de l'eau et de l'huile, par exemple. Dans ces milieux peuvent se former des bulles et des gouttes. Comment se déplacent des gouttes et les bulles ? Comment le fait d'avoir deux phases modifie les écoulements par rapport au fait d'avoir une seule phase ? Ce sont les questions fondamentales qu’on s’est posées dans notre laboratoire de mécanique des fluides car l'objectif premier consiste à découvrir de la nouvelle science et à en rendre compte dans des articles.

Mais la microfluidique possède également un versant « ingénierie » important. Nous développons des outils qui peuvent être utiles en chimie, en biologie, en sciences des matériaux, etc. Selon moi, si personne n’utilise ces outils par la suite, nous avons un peu perdu notre temps, même si toutes nos recherches ne mènent pas forcément à des applications. Les entreprises servent justement à rendre les technologies robustes afin de les transférer à des utilisateurs qui en ont besoin mais qui ne sont pas experts dans notre domaine. Je pense qu’il s’agit d’une autre façon de voir l’impact de nos recherches, à côté des publications.

Comment est venue l’idée de Stilla Technologies ?

Au départ, il s’agissait d’un travail de recherche fondamentale mené avec mon étudiant en thèse Rémi Dangla (X2005 et actuel CEO de Stilla Technologies). Nous voulions essayer de contrôler des gouttes non seulement en ligne, les unes derrière les autres dans des tubes, mais dans une zone plus large, grâce à des lasers. Mais, dans nos expériences, les gouttes étaient éjectées sur les côtés du canal microfluidique, ce qui rendait l’utilisation des lasers impossibles. En explorant la physique qui déterminait ce mouvement, nous avons compris que cela était dû à la légère déformation des parois supérieures et inférieures qui retenaient le fluide. C’était un résultat inattendu qui, comme souvent en recherche, nous a fermé une porte et ouvert une autre. Nous avons complètement changé de sujet en utilisant ce phénomène à la fois pour guider les gouttes, mais aussi pour les former au départ, grâce à des canaux dotés de géométries complexes en trois dimensions. Le résultat a vraiment été très efficace, ce qui nous a poussé à aller plus loin.

Comment s’est poursuivi le développement ?

Assez vite, nous avons déposé des brevets sur ces technologies, en parallèle du processus de publication scientifique classique. En 2011, avec Rémi, nous avons l’envie de monter une start-up et nous avons suivi une formation pour cela dans un incubateur. L’idée d’appliquer notre technologie au système d’analyse PCR à base de gouttes est venue ensuite, après des études de marché. Nous avons aussi bénéficié de plusieurs financements publics, notamment ceux du Conseil européen de la recherche et notamment une ERC « proof of concept ». 

Ces financements nous ont permis de passer d’une équipe de deux personnes à plus de cinq. Le projet a alors vraiment décollé, et Silla Technologies a quitté le LadHyX. En tant que chercheur et cofondateur de Stilla Technologies, j’ai été très impliqué dans cette première phase de transfert de la science fondamentale. Bien sûr, ensuite, il y a eu beaucoup de développement technologique et économique, le recrutement de centaines de personnes. En tant que chercheur, je n’étais plus autant impliqué.

Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

Au tout début, j’étais un peu naïf. Il se trouve que le développement prend du temps et que beaucoup d’efforts sont nécessaires en plus d’avoir une bonne idée. Je pense qu’un certain nombre de collègues scientifiques seraient intéressés pour voir leur innovation sortir de leur labo mais ne savent pas comment s’y prendre. Constituer une équipe diverse pour monter une start-up peut constituer un outil pour soutenir l’effort de développement et faire sortir une technologie du laboratoire.

 Au-delà de Stilla Technologies, les recherches de mon laboratoire ont aussi mené à la création d’une seconde entreprise, Okomera. En effet, en plus des brevets qui forment le socle de la technologie déjà mentionnée, nous avons également déposé des brevets sur plusieurs cas d’applications comme l’analyse ADN, mais aussi l’analyse cellulaire. Okomera développe ainsi des puces microfluidiques pour de l’analyse détaillée de cultures de cellules en trois dimensions. L’entreprise est plus jeune que Stilla Technologies –elle a été fondée en 2020–mais elle emploie déjà une quinzaine de personnes à Paris.

Enfin, cette combinaison entre science fondamentale et applications a attiré beaucoup d’étudiantes et d’étudiants dans notre laboratoire, qui n’auraient pas forcément poursuivi en thèse sans ce contexte, en plus de plusieurs postdoctorants et ingénieurs. Certains se sont servi du passage au laboratoire pour rejoindre le monde des startups dans différents rôles, y compris comme fondateurs, sur des sujets différents de ceux de l’équipe.

 

*LadHyX : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

 

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