La vitesse sur piste est aussi une affaire de stratégie

Grâce à l’analyse de plus de 1500 courses, notamment celles des Jeux Olympiques de Paris 2024, des scientifiques du Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX*) mettent en lumière l’importance des tactiques de courses dans la performance en vitesse individuelle. L'étude a été publiée dans The International Journal of Performance Analysis in Sport.
Finales pour l’or en vitesse individuelle au Jeux Olympiques de Paris 2024. A gauche, Matthew Richardson (jaune) et Harrie Lavreysen (orange). A droite, Lea Sophie Friedrich (blanc) et Ellesse Andrews (noir). Crédit: Patrick Pichon, FFC.
27 juin. 2025
Recherche, LadHyX

La vitesse sur piste est une épreuve phare des vélodromes.  S’il s’agit d’abord d’un sprint où la vitesse pure est primordiale, la stratégie constitue un facteur clé de réussite. Mais sa quantification est délicate. C’est le but des travaux de Jean-François Rysman et de ses collègues du laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX*), en collaboration avec la fédération française de cyclisme (FFC) dans le cadre du projet Sciences2024.

Les compétitions de vitesse se déroulent en deux phases. Les qualifications sont des sprints individuels lancés, sur une distance de 200 mètres, où les coureuses et coureurs doivent faire le meilleur temps possible (les records féminins et masculins sont respectivement de 10,029 secondes et 9,088 secondes, tous deux établis lors des JO de Paris). Les qualifiés disputent ensuite des matches éliminatoires, un contre un. Lors de ces courses sur trois tours de pistes (750 mètres), les deux cyclistes partent l’un derrière l’autre –le choix est fait par tirage au sort. Les deux premiers tours ressemblent souvent à un jeu du chat et de la souris, le cycliste en tête jetant fréquemment un œil derrière l’épaule pour ne pas se faire surprendre par une brusque accélération de son adversaire. Les 250 derniers mètres se terminent généralement par un sprint final.

Analyse vidéo et IA prédictive

Les scientifiques du LadHyx ont pu analyser environ 1500 vidéos de la base de données de la FFC, filmées lors des championnats du monde et d’Europe, de la Coupe du monde et des Jeux olympiques entre 2018 et 2024. « En extrayant les positions des cyclistes à chaque tour, on peut déterminer l’influence des configurations de courses et des meilleures stratégies à adopter » explique Jean-François Rysman, premier auteur de l’étude. Ils ont ainsi pu montrer que la position de départ n’a pas d’impact significatif sur le résultat. Mais, par exemple, si un coureur est second après les 115 premiers mètres, passer en tête lors du 2ème tour conduit à la victoire dans 69 % des cas.

Pour mieux quantifier et hiérarchiser les facteurs menant à la victoire, les chercheurs ont développé un modèle d’intelligence artificielle entraîné sur ces 1500 courses. Si la vitesse sur 200 mètres est le paramètre le plus important, la stratégie et la configuration de course (qui est en tête à quel tour) jouent aussi un rôle non négligeable. Ainsi, les vainqueurs ne sont pas toujours celles et ceux qui ont fait le meilleur temps aux qualifications, comme Ellesse Andrews, qui a remporté la médaille d’or chez les femmes aux JO de Paris alors que la finaliste Lea Sophie Friedrich avait été plus rapide aux qualifications.

Des informations pour les entraîneurs et les futurs athlètes

Ce modèle d’intelligence artificielle est également prédictif, fournissant des probabilités de victoires en fonction de la différence de vitesse sur 200 m entre deux cyclistes, la configuration de courses et la stratégie. Ce modèle a été appliqué rétrospectivement aux courses de JO de Paris en effectuant une prédiction à partir des vitesses réalisées pendant les qualifications et l'historique des matchs passés puis en simulant 3000 fois la compétition à partir des quarts de finale, avec différentes configurations de courses. Selon cette étude, Harrie Lavreysen (sacré champion olympique chez les hommes), avait 75 % de chance de décrocher l’or après les qualifications. Chez les femmes, les chances de victoires été plus serrées (37 % pour Lea Sophie Friedrich contre 31 % pour Ellesse Andrews).

Ces analyses apportent des informations supplémentaires aux entraîneurs et aux sportifs en plus des multiples autres facteurs à considérer (nutrition, paramètres physiques, gestion du stress…). « Pour un cycliste, affiner ses stratégies de course est un travail de long terme, souligne Jean François Rysman. Je pense que nos travaux seront particulièrement utiles pour les athlètes de haut niveau actuellement en formation. »

 

L'article scientifique:

Rysman, J. F., Cohen, C., Sachet, I., Brunet, E., Baré, A., Baugé, G., … Clanet, C. (2025). Routes to victory in track cycling sprint. International Journal of Performance Analysis in Sport, 1–15. https://doi.org/10.1080/24748668.2025.2491999

 

*LadHyX : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

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