Les X pour la Planète – Les Entrepreneurs - Nicolas Cruaud – Anthropocite contre Anthropocène

Pour Nicolas Cruaud (X2016 et diplômé de l’Isae-Suapéro), qui a suivi une double formation en ingénierie mécanique et en entrepreneuriat, la lutte contre le changement climatique passe par des projets industriels.

« L’environnement c’est l’enjeu du siècle et les petits gestes ne suffisent pas », souligne-t-il.

Néolithe, la start-up qu’il a co-fondée en 2019 et dont il est le président, déploie des fossilisateurs qui, grâce à un procédé bréveté, transforme des déchets industriels non recyclables en Anthropocite, un granulat utilisable comme matière première dans la construction et le BTP.

« L’intérêt c’est d’éviter l’enfouissement et l’incinération de déchets qui émettent du CO2 », explique Nicolas Cruaud.

L’Anthropocite a une empreinte carbone négative permettant de stocker et d'éviter 420 kilos d’équivalent CO2 pour une tonne de déchets traités. Sa fabrication et son utilisation ont ainsi un effet positif sur l’environnement et participent activement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en stockant plus de carbone qu’elles n’en émettent.

Les fossilisateurs de Néolithe sont des unités industrielles propres à Néolithe et alimentées par des centres de tri industriels clients. Ils représentent une surface d’environ 5 hectares et permettent de traiter 100000 tonnes de déchets par an. Leur déploiement régional permet de s'inclure dans la logistique actuelle des déchets, en remplacement des centres d'enfouissement.

Le procédé, entièrement mécanique, ne nécessitant aucune chauffe et n’émettant aucun rejet, se déroule en trois étapes. La première étape, dite de broyage, se traduit par la transformation des déchets en une poudre très fine. La deuxième étape, dite de mélange, consiste à faire réagir cette poudre de déchets avec des liants minéraux, clé de voûte du procédé, qui permettent de minéraliser la matière et que Néolithe a mis au point et produit. Cette réaction entraîne l’obtention d’une pâte à modeler minérale. Au cours d’une troisième et dernière étape cette pâte minérale est pressée et modelée pour produire des granulats de la forme et de la densité souhaitées.

Ces granulats peuvent se substituer à des granulats naturels issus de carrières pour une utilisation en béton non structurel, sans risque technique ou environnemental.

L’idée d’une fossilisation accélérée des déchets avait germé en 2018 dans la tête du père de Nicolas, William Cruaud, tailleur de pierres et co-fondateur de Néolithe en partant du postulat que les calcaires sont en fait des déchets de dinosaures fossilisés.

Testée au cours d’un « start-up week-end » organisé à l’Ecole polytechnique lorsque Nicolas y était encore étudiant, le concept avait alors séduit Clément Bénassy, diplômé d’AgroParis Tech, et troisième associé fondateur de Néolithe dont il est le directeur général.

Passage à l’échelle

L’entreprise, qui a bouclé une quatrième levée de fonds de 60 millions d’euros début décembre 2023 après les trois précédentes réalisées depuis sa création, pour un montant de 23 millions d’euros, emploie 200 salariés.

Basée à Chalonnes-sur-Loire au cœur du pays angevin, berceau de la famille Cruaud, elle a mis en service son premier fossilisateur de petite capacité à Avrillé, une commune limitrophe d’Angers et en lancera un deuxième en 2024, toujours en Anjou.

Elle prévoit aujourd’hui de s’implanter dans de nouveaux locaux de 4800 m2, toujours à proximité d’Angers, et entend surtout multiplier des usines d’une capacité de traitement beaucoup plus importante, de l’ordre de 100 000 tonnes par an. La première de ces méga-unités devrait être implantée dans le Maine-et-Loire à l’horizon 2025-2026, en fonction des autorisations. Le plan de marche prévoit un déploiement de ces fossilisateurs grand format en France puis en Europe.

Néolithe ambitionne ainsi de se transformer en groupe industriel, capable de traiter plusieurs millions de tonnes de déchets par an contre quelques milliers actuellement et vise à terme le traitement des déchets de particuliers.

« Si demain nous traitions par fossilisation accélérée l’ensemble des déchets émis en France chaque année, nous pourrions réduire l’empreinte carbone française de 5% à 10% toutes industries confondues », explique Nicolas Cruaud ajoutant que le procédé peut contribuer de manière très significative à la décarbonation.

Salués dès 2019 par le Prix Jean-Louis Gérondeau – Safran qui soutient l’innovation et l’entrepreneuriat à l’École polytechnique, Néolithe et ses fondateurs ont enchaîné les prix, récompenses et distinctions. Lauréat du Prix Ivy 2023 du meilleur jeune dirigeant de la Tech, Nicolas Cruaud a aussi été distingué aux côtés de Clément Bénassy par le prestigieux classement des 30 under 30 du magazine Forbes Europe.

Polytechnique Ventures, le fonds d'amorçage, financé par les alumni de l’École polytechnique et qui accompagne dans les start-ups issues de l'écosystème d'innovation et d'entrepreneuriat de l'École, a investi dans Néolithe en avril 2021.

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